Actualités, Portraits

Garder le sens de l’authenticité

Edition N°48 – 23 décembre 2020

Françoise Surdez : « Nous sommes tous confrontés comme jamais à notre solitude existentielle, à nos finitudes et à notre mortalité. » (photo ldd)

Madame Pahud, dans un esprit de conciliation et avec la volonté de bien organiser les choses, avait tenté de réunir sa nombreuse famille pour le repas de Noël le 24 décembre ! Après de multiples coups de fil où elle dut jongler avec les diverses occupations de Loulou, de Fifi, d’Yves, de la tante, etc., elle finit par lancer en désespoir de cause : « Eh bien ! On f’ra Noël à Pâques ! »

La suroccupation des uns, l’arrêt forcé des autres, les contraintes, les limites, les ménagements et les interdictions provoquent un sentiment de chaos dans une crise mondiale où nous peinons à voir le bout du tunnel. Nous sommes tous impactés à des degrés différents et nous sentons solidaires des personnes qui ont perdu des êtres chers sans avoir pu leur dire au revoir, leur emploi sans la certitude d’en retrouver un autre et leur santé sans l’espoir de la recouvrer. Nous sommes tous confrontés comme jamais à notre solitude existentielle, à nos finitudes et à notre mortalité.

Comment fêter Noël dans ces conditions-là ? Comment sauver cette fête traditionnelle ? 

Et si la vraie question était : comment retrouver le sens authentique de Noël et en faire une expérience nouvelle et inédite ?

Le problème de Madame Pahud pourrait être résolu en lui suggérant de fêter Pâques à Noël !

En effet, l’histoire du christianisme nous apprend que Pâques était la seule fête qui a été célébrée pendant ses trois premiers siècles. Elle allait du Vendredi-Saint au dimanche de la Résurrection et marquait à la fois le début de l’année chrétienne et le cœur de la vie spirituelle. L’Eglise des origines ne connaissait donc pas de fête de Noël.

Profiter d’une crise qui favorise un retour sur soi

Ce n’est qu’au IVe siècle, en pleine époque troublée, conflictuelle et chaotique, où l’on se demandait si Jésus était homme sans être Dieu ou Dieu sans être homme, qu’ont surgi la fête de l’Epiphanie en Orient et la fête de Noël en Occident. Il fallait célébrer le fait que le Verbe, Dieu, s’était incarné en un homme. Et comme Pâques était précédée par le temps de préparation du Carême, on se préparait à célébrer Noël lors du temps de l’Avent que l’on y a ajouté.

De plus, la fête de Noël venait combler le vide socio-spirituel causé par l’interdiction de fêtes païennes. On suppose qu’elle supplantait la fête du dieu solaire au solstice d’hiver. Ainsi, rien ne nous dit que Jésus était né un 25 décembre ! Au fil des époques et des réformes de l’Eglise, se sont incorporés mystérieusement à la fête des symboles tels que la couronne de l’Avent et le sapin de Noël… qui suscitent en nous, petits et grands, le sens de l’émerveillement…

Quelle que soit la date de la naissance du Christ, Jésus est bien Dieu qui s’est incorporé dans notre pâte humaine en endossant sur lui toute notre condition, y compris la mort, pour rompre notre solitude, notre isolement en nous reliant à Dieu son Père et les uns aux autres en une solidarité ontologique à redécouvrir. Par sa résurrection à Pâques, il scelle sa victoire sur la mort et nous ressuscite avec lui. Vivre Noël et Pâques de manière authentique en gardant la magie populaire qui les entoure, est essentiellement une question d’intériorité. Profitons de cette crise pour rentrer en nous-mêmes, puisqu’elle favorise ce retour sur soi et l’y oblige, et pour nous confier en cette transcendance bienveillante et providentielle que nous osons nommer Dieu. 

Françoise Surdez,
Pasteure au Par8

Françoise Surdez : « Nous sommes tous confrontés comme jamais à notre solitude existentielle, à nos finitudes et à notre mortalité. » (photo ldd)