Actualités, Portraits

Le cinéma chevillé au corps

Edition N°4 – 3 février 2021

Connaissant le Cinoche comme sa poche, Brigitte Roth a pris goût au cinéma en découvrant le Festival de Locarno. (photo Claudine Assad)

Vendeuse, commerçante puis aide-soignante, Brigitte Roth a eu un parcours professionnel riche et varié tout en s’impliquant dans la vie culturelle prévôtoise dont elle est une figure incontournable. Son principal cheval de bataille : le maintien d’une salle de cinéma à Moutier et l’ouverture du Cinoche en 1993. Une victoire qui risque pourtant d’être remise en cause par la pandémie et la fermeture forcée des espaces culturels.

Brigitte naît à Tavannes le 4 février 1946. Sa mère est Tessinoise, venue travailler à la Tavannes Watch comme régleuse. C’est là qu’elle rencontre son mari, qui lui, est chef des achats à la Tavannes Machines. « Mon père pratiquait l’athlétisme à un très haut niveau. Il a gagné de nombreuses médailles et aurait dû participer aux Jeux Olympiques de 1940 qui ont été annulés en raison de la guerre. Cela a été le grand regret de sa vie. » De ce père sportif, elle hérite l’amour de la natation. « Quand nous étions petites, ma sœur et moi, nous passions toutes nos vacances au Tessin. » Les deux sœurs prenaient le train toutes seules de Tavannes à Locarno. C’est le contrôleur qui se chargeait de les faire changer de train. Pendant les vacances horlogères, leurs parents les rejoignaient. « Avec mon père, nous traversions à la nage le Lac de Locarno, j’ai de très beaux souvenirs de ces vacances. » Locarno, c’est là aussi qu’elle découvre le cinéma avec son grand-père maternel : « C’était au tout début du Festival, dans les années cinquante. Mon grand-père m’emmenait au Grand Hôtel. C’est ce qui m’a donné goût au cinéma. »

Au cœur de l’Artichaut

Elle rêvait de devenir couturière mais elle fera un apprentissage de vendeuse à la Coop à Tavannes. L’amour de la couture ne l’a pourtant jamais quittée et sa machine à coudre est toujours prête à l’emploi. « J’ai toujours à faire : ma corbeille est toujours pleine ! » avoue-t-elle. Et c’est probablement sa créativité qui l’amène à devenir étalagiste aux Grands Magasins Bouledoires à Bienne. C’est là qu’elle rencontre son mari Ronald, dit Nona, en 1966. Alors que le jeune couple s’apprêtait à s’installer à Yverdon, le père de Ronald meurt subitement. Pour seconder la maman et la sœur à l’épicerie familiale, Brigitte et son mari renoncent à leurs projets en terre vaudoise et viennent s’installer à Moutier. L’épicerie Roth-Paratte devient L’Artichaut. C’est une riche expérience qui se termine en 2001 avec la remise du commerce. Entre-temps le couple a eu deux garçons : Julien, sportif comme son grand-père maternel, et Florian, fan de cinéma, comme sa mère. Durant toutes ces années, Brigitte et son mari s’impliquent fortement dans la vie culturelle de Moutier, tant pour l’ouverture de la Galerie du Passage et du Centre culturel que pour le lancement du Cinoche.

D’Expo 02 à la gériatrie

L’Artichaut fermé, Brigitte se voit confier une boutique à Expo 02 sur l’Arteplage de Bienne. Un travail à sa mesure où elle peut mêler culture et commerce. « J’ai vraiment adoré l’ambiance de l’Expo », confie-t-elle. Mais l’expo se termine trop vite et un bilan de compétence lui révèle qu’elle est douée pour la culture (elle le savait déjà) et pour les soins (elle le découvre). A 57 ans, elle se lance dans une formation d’aide-soignante à la Croix-Rouge : « J’étais la plus âgée de la classe, mais cela ne m’a pas gênée. » Son certificat en main, elle est engagée en gériatrie à l’Hôpital de Moutier. « J’ai vécu une expérience extraordinaire », confie Brigitte. « J’ai adoré mon travail avec les personnes âgées. Et l’ambiance entre collègues à l’étage F de l’hôpital était formidable. Nous avons même fait des voyages ensemble tellement nous nous entendions bien. » Son seul regret : avoir atteint trop vite l’âge de la retraite. « J’étais prête à rempiler ! »

« Pourquoi stigmatiser les lieux culturels ? » 

Ce n’est pas parce qu’elle est à la retraite que Brigitte se croise les bras. Elle qui s’est battue depuis les années nonante pour maintenir une salle de cinéma à Moutier, elle qui a été longtemps présidente du comité du Cinoche et responsable de la programmation, elle continue à œuvrer bénévolement à la caisse et au bar plusieurs jours par semaine. Que pense-t-elle de la fermeture des salles suite à la pandémie ? « Je ne comprends pas. Nous avons pris toutes les mesures de sécurité qui nous ont été imposées : liste de présences, masques, distance entre les spectateurs… Pourquoi stigmatiser les lieux culturels? »

Quand les cinémas rouvriront, dès mars si tout va bien, ils devront retrouver leur public. Ce qui n’est pas gagné d’avance. Mais Brigitte se veut optimiste : « Je ne peux pas imaginer Moutier sans une salle de cinéma ! » 

Claudine Assad

Connaissant le Cinoche comme sa poche, Brigitte Roth a pris goût au cinéma en découvrant le Festival de Locarno. (photo Claudine Assad)