Jovial et avenant, la tchatche alerte et le rire facile, le courtisan Michel Haenzi doit avoir plusieurs vies à son actif. Connu comme le loup blanc dans son village pour avoir tenu la laiterie et dans la région pour avoir formé moult apprentis conducteurs et motards, il a aussi élevé des moutons et pas mal voyagé. Il n’a jamais pu faire qu’une seule chose à la fois, et il s’en réjouit. Rencontre au pied du Graitery avec un homme petit par sa taille mais grand par son expérience, sa convivialité, sa générosité, et qui tient encore une forme étonnante.
Cheveux et barbe poivre et sel avec beaucoup de sel, Michel Haenzi, qui frise les trois quarts de siècle, a une relation fusionnelle avec son épouse Christiane, «Loulette», qui l’a accompagné dans toutes ses activités et dans ses voyages. Ils sont parents de Jean-Marie, Véronique et Claudine, et quatre fois grands-parents (Cézanne, Manu et les jumeaux Timothée et Elisa). Le couple a tenu pendant 23 ans la laiterie de Court, qui faisait aussi office d’épicerie. De quoi nouer des amitiés et faire des connaissances. De quoi également bosser presque tous les jours de la semaine, sans s’accorder de congés. Ce n’est qu’à partir de leur demi-siècle qu’ils ont pu enfin lâcher prise grâce à leurs enfants qui leur ont offert leurs premières vacances à la Martinique et en Guadeloupe. Ils ont fait d’une pierre deux coups: leur donner l’envie des voyages, comme on le verra plus loin, leur montrer qu’il existe autre chose que le boulot mais surtout bénéficier de la villa avec piscine pour faire la fête avec les potes pendant leur absence.
Moniteur de «L»
Précisons encore que Michel a fait un apprentissage de mécano auto et qu’il a travaillé aux débuts du garage Burri, dans le milieu des années soixante. C’est là qu’il rencontre un collègue qui lui fait part du fait que des pièces des véhicules sont maltraitées par certains conducteurs un peu gauches qui auraient besoin d’apprendre à conduire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le voilà moniteur d’auto et moto école, et il le sera pendant plus de quarante ans. Nombreux sont celles et ceux qui ont bénéficié de ses cours de conduite et obtenu leur permis. Pendant une dizaine d’années, il se rend régulièrement à Cossonay dans le cadre du TCS, pour donner les cours de formation complémentaire obligatoires aux nouveaux conducteurs qui devaient passer deux journées (depuis 2005) pour confirmer leur «bleu». Il arrêtera le jour de ses 70 ans. Il participe aussi à la formation des seniors, toujours pour la section jurassienne du «Touring». Et comme il a ça dans le sang, il pourrait bientôt reprendre du service pour la remise à niveau des aînés, car il y a de la demande. Et lui, il roule toujours un peu à moto «tant que je ne dois pas mettre des petites roues à l’arrière», rigole-t-il en tétant son cigarillo.
De l’autre côté du village
En parallèle de ses activités, il élève des moutons. Actuellement près de 80 têtes et deux ânes qui veillent sur eux, dans la ferme maternelle au pied du Graitery, avec les dix hectares de terrain qui vont avec. Michel Haenzi rénove le dernier étage de cette vénérable bâtisse datant de 1888 et il y loge depuis une douzaine d’années, alors qu’il habitait de l’autre côté du village, dans une maison reprise par une de ses filles. Il réalise énormément de travaux lui-même, en véritable touche-à-tout, et il faut reconnaître que «ça a de la gueule». Mais actuellement, il a passé la main pour les gros travaux à son fils Jean-Marie et se rend utile en lui donnant des coups de main.
50 ans sans vacances…
Avec la vie à la ferme, la laiterie et l’auto-école, il reste peu de place pour les loisirs. A part quelques sorties avec la Dalton clique, quelques passe-temps aléatoires et le suivi des matches du HC Bienne, il prend goût aux voyages dès sa cinquantième année. C’est ainsi qu’il se rend plusieurs fois aux Etats-Unis où il loue une voiture sur place. Il survole en hélicoptère une partie du Grand Canyon et constate que «ce n’est pas très différent des Gorges de Court»!
Une autre fois, il partira seul avec des potes pour une virée en moto, décidée à l’arrache un soir dans un bistrot. Une de ses filles est à l’époque domiciliée à San Francisco. Son épouse s’y rend avec toute la famille alors qu’il reste au village pour la laiterie. Mais Christiane, qui y a bien droit, participe à toutes les autres vacances. Ils découvrent alors les grands navires modernes et géants avec tout le confort et s’offrent des croisières. «Regarde-moi ces vieux c… avec leurs chaussettes et leurs shorts. Moi vivant, jamais je ne mettrai les pieds sur ces rafiots» avait-il promis. Raté! Ils passent ainsi plus de trois semaines de Gênes jusqu’à Buenos Aires, découvrent le trajet Shanghai-Singapour, la Méditerranée, les Iles grecques, et bien d’autres destinations. Ils passent aussi plusieurs fois des vacances à Palma, vont faire les touristes au Salon de l’agriculture à Paris et se baladent tous azimuts. Bref, ils rattrapent le temps perdu.
Claude Gigandet