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Les voyagistes se sentent délaissés

Edition N°27 - 8 juillet 2020

Une douzaine de voyagistes ont informé les médias de leur inquiétude. (photos cg)

«Les agences de voyage ont perdu leur passé, leur présent est inexistant, leur futur hypothétique». C’est par ces mots sombres et pessimistes qu’une douzaine de représentants des voyagistes le l’Arc jurassien ont entamé la conférence de presse convoquée à Tavannes la semaine dernière. Ils s’estiment comme les grands oubliés de la crise car la pandémie les a obligés à rembourser en cash des prestations à leurs clients et à jouer les banquiers, alors qu’eux peinent ou ne sont pas remboursés par certaines compagnies aériennes ou d’autres prestataires, ce qui est contraire à la loi. Près du tiers de ces agences, qui pour

la plupart sont des entreprises gérées par leur propriétaire, risquent la faillite, ce qui pourrait représenter près de 2000 emplois perdus en Suisse.

Dur, dur, la vie de voyagiste. Depuis qu’un satané virus a clos les espaces et imposé ses limites, les agences qui vendent du rêve lancent le cri du cœur d’une profession qui est au bord de l’agonie. En Suisse, ce sont près de 10’000 personnes qui œuvrent au bien-être des vacanciers ou voyageurs d’affaires, dont 88% sont de petites entreprises indépendantes avec peu de personnel dont le gérant, plutôt la gérante, puisqu’elles sont près de 80%, sont présents-es dans les bureaux quasiment 6 jours sur 7. Lors de leur point presse à Tavannes mercredi dernier, les agences de voyage réunies sous l’appellation TPA (Travel Professional Association) ont demandé aux médias de relayer leur cri du cœur, se disant victimes d’une injustice, alors que des milliards de francs sont distribués dans certains secteurs de l’économie et qu’eux sont quasiment ignorés. Sur la douzaine de participants venus de l’Arc Jurassien, près de la moitié ont pris la parole pour expliquer leur désarroi.

Entre le marteau et l’enclume

Depuis le début de la pandémie début mars et la fermeture des frontières, c’est la valse des annulations. Les réservations effectuées entre septembre 2019 et début mars 2020 ont été annulées et remboursées à plus de 90%, ce qui représente près de 9 mois de travail à perte et un manque à gagner qui pourra difficilement être comblé. Il faut savoir que la rentabilité d’une agence de voyage est de 15% brute, alors qu’elle passe à 1% nette. Pas de quoi jouer les intermédiaires ou se muer en banquiers pour les remboursements. Ce sont bien certaines compagnies aériennes ou prestataires qui ne jouent pas le jeu en refusant de restituer le montant en cash, préférant payer les sommes versées en bons et avoirs, alors que les voyagistes l’ont fait en liquide. Et en plus les compagnies d’assurances refusent les rétributions prévues, prétextant qu’une pandémie n’est pas une épidémie. Les agences, qui ont participé aux charges sociales et cotisations depuis des années, ont certes pu bénéficier au même titre que les autres PME ces trois derniers mois des mesures mises en place par la Confédération, (RHT ; APG ; réductions de loyer, crédits Covid, etc.), des solutions provisoires, à court terme, qui ne feront que reporter le problème des liquidités. Plus ou peu de réservations, donc danger pour les montants qui devront être remboursés. Il existe bien un fonds de garantie auquel les agences de voyage sont contraintes par la loi, mais il n’intervient qu’en cas de faillite.

L’avis des régionaux

Pour les agences de notre région, à l’instar d’ID Voyages de Marcel Greder à Tavannes qui gère seul son agence avec une employée à un demi-poste, il est très remonté contre les politiques qui ne manifestent aucun soutien et dit vivre un vrai cauchemar. Il a dû puiser dans ses économies et même s’il a obtenu un prêt Covid, il préfère ne pas y toucher tant l’avenir est incertain. Même préoccupation pour Océane Voyages (Sabine Bandi-Schaffter, Moutier, Courroux, Valbirse) qui parle de pochette-surprise sachant que ce qui est valable aujourd’hui ne le sera plus le lendemain pour les réservations. Elle note aussi les tracasseries administratives et risques suivant les destinations. Tous reconnaissent encore que les frais encaissés ne recouvrent qu’une petite partie de leur boulot, que les commissions sont réduites à zéro alors qu’il faut continuer les tâches d’information au client pour ne pas le perdre. Pire encore, les voyagistes ont été sollicités par le Département des affaires étrangères pour le rapatriement de clients en séjour à l’étranger, sans rémunération, et quand ils ont déclaré leurs heures, l’assurance chômage les a décomptées pour réduire leurs allocations!

Drôle d’avenir

Les frontières ont été fermées pendant de longs mois étant donné la situation alarmante de certains pays. Les agences ont pu rouvrir leurs portes après le confinement. Mais les clients et les réservations se font rares, sauf pour les annulations, et les frais courent. Les autorités déconseillaient en plus tout voyage non essentiel à l’étranger et demandaient de favoriser le tourisme local suisse qui ne nécessite pas toujours de réservation auprès d’agences.

«Seules des mesures d’envergure à fonds perdus, rapides, ciblées et sur le long terme permettront aux agences de voyages de faire face à toutes leurs obligations, professionnelles et privées avec les liquidités nécessaires pour tenir jusqu’à une reprise sérieuse de leurs ventes, ce qui n’est pas envisagé avant quelques mois, voire avant l’année prochaine. Et rien ne vaut le contact humain pour comprendre et offrir une sécurité supplémentaire dans l’organisation d’un voyage ou de vacances», plaident-ils.

Claude Gigandet

Une douzaine de voyagistes ont informé les médias de leur inquiétude. (photos cg)