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Quand la perfection est illusoire

Edition N°38 – 19 octobre 2022

La vie parfaite d’Alice et Jack est une image qui ne reflète pas la réalité. (photo ldd)

Dans ce 16e épisode de notre série cinéma, nous nous penchons sur le film « Don’t Worry Darling » (Ne t’inquiète pas chérie). Un thriller psychologique qui, sous ses faux airs de drame romantique, cache de bien sombres secrets.

Nous sommes dans les années 1950, période durant laquelle Alice et Jack Chambers forment un couple particulièrement heureux. La raison autre que leur puissant attachement sentimental et charnel ? Leur mode de vie parfait à Victory, une ville à première vue impeccable située dans un désert californien. Jack et ses collègues traversent ce dernier tous les matins pour se rendre sur leur mystérieux lieu de travail dont on ne sait que peu de choses. Pendant ce temps, Alice et les autres épouses restées en ville mènent une vie de ménagère lambda sans pour autant broncher. Nettoyage de la maison, séances de ballet et de shopping, trempette à la piscine, assaisonnement du steak pour l’époux rentrant le soir et aussi quelques galipettes pour assouvir les pulsions sexuelles de ce dernier. Pour Alice, c’est le rêve. Mais c’était sans compter sur d’étranges phénomènes qui vont bouleverser son train-train quotidien. Sa voisine se met à disjoncter en racontant des non-sens tandis que les œufs utilisés pour le repas se révèlent être des coquilles vides. Victory n’est au fond peut-être pas la ville parfaite qu’elle prétend être. 

La soif de réponses 

Intriguant est l’adjectif qui décrit le mieux « Don’t Worry Darling ». Au fil du récit, le spectateur et l’héroïne assistent à des événements bizarres en se demandant qu’est-ce que tout cela pourrait bien signifier. Brillante dans son rôle de femme en quête de vérité, Florence Pugh incarne parfaitement un personnage en détresse essayant de convaincre son entourage que quelque chose cloche dans leur petit monde « sans défauts ». Mais il faudra attendre un sacré bout de temps avant de pouvoir saisir ce qui torture la pauvre ménagère blonde. Entre hallucinations glauques, comportements humains étranges et centre de recherche prohibé, le film n’a de cesse de générer l’incompréhension, finissant par énerver tant les réponses tardent à venir dans une histoire relativement fade. Et quand le voile finit enfin par tomber (sans expliquer la plupart des phénomènes bizarres qui ponctuent le récit), révélant une vérité malaisante mais pas franchement originale, le film montre sa vraie couleur : une fable moderne critiquant grossièrement le patriarcat. On aurait franchement pu s’attendre à mieux vu l’ambition dramatique et visuelle de « Don’t Worry Darling ». 

Film à controverses 

Malgré son scénario qui se révèle décevant et pas franchement subtil, « Don’t Worry Darling » peut au moins se vanter d’être plastiquement splendide. 

Femmes pimpantes en jolies robes, voitures d’époques luisantes, quartiers léchés et autres éléments d’époques nous plongent dans un univers visuellement riche dans lequel on serait presque tenté d’aller se promener. Cette beauté, la caméra n’en manque pas une miette et exécute de magnifiques plans dont certains titillent agréablement la rétine. Il demeure néanmoins regrettable que tout cet artisanat passe un peu inaperçu publiquement puisque « Don’t Worry Darling » fait beaucoup parler de lui non pas à cause de ses visuels mais bien à cause de controverses concernant la réalisatrice du film Olivia Wilde (qui incarne aussi un des personnages principaux). 

On parle ici d’un acteur qu’elle aurait renvoyé lors du tournage ou de disputes qui auraient éclaté entre elle et Florence Pugh. Vérité ou non, pas sûr que le film mérite toutes les attentions pour lesdites controverses. Mais pas sûr non plus qu’il les mérite pour l’œuvre passable qu’il est. 

Louis Bögli

« Don’t Worry Darling »
Réalisation : Olivia Wilde
Durée : 2 h 03
Pays : USA
Note : 3 / 5

 

3 questions à… Sébastien Sassi, co-responsable de la programmation du Cinéma Palace, à Bévilard

Est-ce qu’un film à controverse comme « Don’t Worry Darling » peut inciter les spectateurs à aller le voir, ou l’inverse ?
Ça dépend. Je me rappelle du film « J’accuse » qui avait généré des controverses à cause des abus sexuels de son réalisateur Roman Polanski. Dans ce cas-là, les gens n’ont pas envie d’aller voir le film au cinéma car ils ne veulent pas donner plus d’argent à son auteur. Mais selon moi, si ce sont par exemple des controverses comme le tragique accident de tir d’Alec Baldwin sur le tournage de « Rust » en 2021, la chose est dramatique au point d’attirer les gens en nombre car ils ont beaucoup entendu parler de cette histoire. 

Donc un film qui sort avec des controverses peut indirectement être une bonne chose pour les cinémas ?
D’une certaine manière, c’est une publicité gratuite. Mais de savoir si ça va forcément attirer du monde, je l’ignore. Je me souviens aussi du cas de « The Da Vinci Code » qui avait fait sauter l’Eglise au plafond par son contenu. Du coup, les gens ont été intrigués, se sont demandé si le film disait vrai ou pas et sont allés vérifier par eux-mêmes. 

Si ce n’est pas la controverse, qu’est-ce qui vous a amené à diffuser « Don’t Worry Darling » dans votre salle ?
Pour un peu changer de style. Au Palace, nous aimons la variété. De plus, le film a ce vrai côté mystérieux et a de très bons acteurs. Il aura au moins eu le mérite d’un peu bousculer les habitudes après nos nombreuses diffusions de films français ces derniers temps.

(lb)

La vie parfaite d’Alice et Jack est une image qui ne reflète pas la réalité. (photo ldd)