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Quand l’art rend l’âme…

Edition N°5 – 10 février 2021

Même le vin ancien n’a plus la cote. D’où l’amertume de Pierre Chevrier, expert en la matière. (photos oo)

Auteur, chroniqueur et antiquaire des objets de la vigne et du vin, Pierre Chevrier, domicilié à Court, livre un poignant récit sur les mésaventures qui s’abattent sur lui avec l’intensité d’un orage ravageur depuis le début de la pandémie.  

A la demande de notre rédacteur en chef, les correspondants de votre hebdomadaire préféré avaient donné, dans l’édition du 25 mars 2020, leur analyse quant à l’impact du COVID-19 sur leur quotidien, leur vie tant sociale que professionnelle. J’ai relu mon papier et je me dois de constater qu’il n’a pas pris une ride et gardé toute sa pertinence. Voici un court extrait :
« … je suis auteur et chroniqueur mais aussi indépendant, antiquaire des objets de la vigne et du vin. Depuis le début de l’année, ce n’est qu’annulations, reports, déplacements de dates. » Je proposais la mise à disposition en priorité aux retraités, aux jeunes, aux indépendants et aux PME d’une part infime des réserves de la BNS qui sont à leur zénith. Car rien n’est à attendre des banques. Dans mon propre cas, non contente d’un refus dans l’épisode des fonds mis à disposition et garantis par la Confédération, ma banque, en mars 2020, a pris des décisions désastreuses m’occasionnant des pertes importantes. Dès lors, plus de liquidités dans un marché de l’art évanescent. Ma dernière participation à un salon remonte déjà à décembre 2019… 

J’ai pu compter, heureusement, sur d’amicaux soutiens et bien sûr j’ai remis en question mes méthodes de travail : délocalisation des objets d’art, ventes sur des sites et bien sûr les grandes maisons de vente aux enchères. J’ai donc contacté Sotheby’s à Genève peu avant Noël pour mettre en vente divers lots pour des ventes programmées fin mars 2021. Mais là encore, tout a changé, à commencer par la mise en place du Brexit. Depuis Genève, chaque mois, un camion chargé d’objets d’art est envoyé à Londres et cela n’est pas une sinécure ! En termes de passages transfrontaliers engendrant une paperasserie incroyable et des frais et taxes qui sont imputés aux clients. Les coûts sont exorbitants pour des lots d’une valeur inférieure à Fr. 5’000.–. Enfin, Londres n’est plus le centre mondial des enchères, remplacé par Hong Kong plus proche de la zone Asie-Pacifique et son vivier de nouveaux milliardaires. La capitale du Royaume-Uni risque même de perdre sa place de capitale européenne de l’art au profit de Paris. Il faut rappeler que les deux maisons de vente aux enchères, Christie’s et Sotheby’s, fondées au XVIIIe  siècle, sont à ce jour propriétés de Français, respectivement François Pinault et Patrick Drahi. Mais la plus grande menace pour les antiquaires, les galeries d’art, les bourses, les foires et les salons spécialisés est la montée en puissance des ventes « online ». 

Pour Georgina Adam, spécialiste internationale du marché de l’art, « le COVID-19 a formidablement accéléré la numérisation de ce marché et, même une fois cette crise passée, beaucoup de choses continueront à être traitées online. » Avec l’émergence des trois variants du virus et le risque d’application plus stricte de mesures sanitaires, le pire est à craindre. Tous les acteurs économiques du marché de l’art sont parmi les oubliés de la pandémie face au désastre économique et social qui peu à peu se dessine. 

Pierre Chevrier

 

Même le vin ancien n’a plus la cote. D’où l’amertume de Pierre Chevrier, expert en la matière. (photos oo)