Portraits

Une retraite pépère ? Tu peux courir !

Edition N°2 – 20 janvier 2021

Un parler franc, une tchatche volubile, presque frénétique, Pierre Mertenat est un mec sympa et convivial avec un physique tonique de jeune premier malgré ses 70 balais. C’est peut-être pour compenser ses plus de 42 ans de fonctionnaire au service des impôts du canton de Berne, assis sur une chaise de bureau, qu’il est devenu un sportif de haut niveau, notamment en course à pied. Il est aussi un organisateur d’événements hors pair et n’est pas prêt, depuis qu’il a sa retraite, de se la couler douce, préférant toujours ses baskets à ses cafignons.

Né à Delémont en plein milieu du siècle dernier (1950), Pierre Mertenat a passé toute son enfance à Soyhières, avec des parents restaurateurs, propriétaires de l’Hôtel du Jura, qui faisait aussi épicerie (Usego). Il est l’aîné d’une fratrie de quatre frères et d’une sœur. Son père, André, aussi propriétaire des étangs du lieu y pêchait la truite qui devint la spécialité du lieu. Un hôte célèbre, Fernand Reynaud, ne manquait jamais de s’y arrêter quand il était de passage dans la région pour y déguster ce plat bien apprêté et y jouer une partie de cartes. Le paternel décéda en 1987 et l’établissement fut vendu. Sa maman, Alice, s’est rapprochée de son fils en déménageant à Moutier et y a tenu Le Bistrot au début des années nonante.

Enfant, Pierre fait donc ses classes dans son village natal, dont il est aussi originaire, et passe ses deux dernières années en institut. Et comme c’était la mode à l’époque, il est envoyé « aux Allemands » pour y faire son apprentissage d’employé de commerce, à Lucerne, avec la possibilité de passer les examens en français. Il est donc un parfait bilingue. Il enchaîne ensuite avec des cours de comptabilité. Depuis plus de trente-cinq ans, il est marié à Marceline, une fille du Cornet.

Toute une vie aux impôts 

On est en 1971, et le canton du Jura n’est pas encore créé. Il est alors engagé à l’Intendance des impôts du canton de Berne et travaille à Bienne, Delémont et Moutier, puis il devient le préposé à la Caisse d’Etat de Courtelary qui se regroupera plus tard sous un même toit en Prévôté, où il œuvrera jusqu’à sa retraite à fin 2013. Il aura ainsi passé quarante-deux ans et trois mois au service du canton. Un long cheminement pour une cause que beaucoup ne voient pas d’un bon œil quand le fruit de son travail arrive dans les boîtes aux lettres !

« L’Intendance des impôts, c’est toute ma vie, et en même temps une passion. J’aimais ce contact avec les gens et les aider à trouver la meilleure solution pour eux. Ma porte était toujours ouverte, c’était comme une grande famille et lors de mes visites, c’est comme si j’allais chez des parents », précise-t-il. « Mais aujourd’hui, ça a bien changé. Tout est différent, il y a moins de liberté et plus de contraintes. C’est aussi le grand chambardement avec cette réorganisation et le rattachement du service à la région Bienne-Seeland, c’est triste. C’est un peu comme si le canton se retirait déjà de Moutier », rajoute-t-il. 

Il court, il court le fonctionnaire

Le sport a toujours été son équilibre de vie. C’est vrai que quand on passe le plus clair de son temps sur un fauteuil de bureau, il faut compenser par une activité physique. Il prétend avoir été moyen au foot, notamment avec les espoirs de Delémont, Lausanne ou Lucerne et a opté pour la course à pied. « J’aime la philosophie qu’il y a derrière ce sport. Il unit les gens en transmettant des valeurs positives liées au dévouement et à l’engagement », dit-il. C’est fort de ces concepts qu’infatigablement, il enchaînera les entraînements et les courses dont voici quelques exemples : il fut champion jurassien du 5 000 mètres, vainqueur du tour de Moron et du cross de Courgenay, a participé dix-neuf fois à Morat-Fribourg, trois fois aux 100 «kils» de Bienne, sept fois à Sierre-Zinal ainsi qu’au Marathon de New-York. Et bien entendu, d’innombrables autres courses, plus de quatre cents, qui lui auront permis de lier bien des amitiés, autant avec des anonymes qu’avec des stars de la discipline. De quoi se forger des mollets et des cuisses d’acier, non ? 

Organisateur né

Avec son bagout légendaire, son dynamisme et son entregent, il a participé à moult événements, surtout sportifs ; il serait fastidieux de les citer tous. Souvenons-nous simplement du fameux Tour de Romandie, dont bien des villages de la région ont été à l’honneur. Moutier n’est pas resté en retrait de cet événement qui y est très populaire puisqu’on y a accueilli un prologue (1980), deux départs (2008 et 2015) et une arrivée (2012). La cité prévôtoise est par ailleurs très bien vue par les organisateurs du Tour, notamment par son directeur, Richard Chassot, qui ne tarit pas d’éloges sur la qualité de l’organisation, dont Pierre Mertenat a été le coordinateur, désigné par la commune, qui voit avec cette manifestation une belle possibilité de dorer le blason de la ville. 

L’an dernier, le tour avait été reporté pour les raisons que nous connaissons et les étapes 2020 seront reportées sur 2021. Espérons. Pour l’avenir, les autorités delémontaines et prévôtoises sont en discussion pour une participation commune à cet événement, qui dépendra du vote institutionnel de mars prochain. 

A fond la retraite

Ne croyez pas que la retraite de l’employé d’Etat-coureur est un long fleuve tranquille. Six fois par semaine, il entreprend une marche sportive d’une heure et demie avec son épouse. Quand il ne lit pas (surtout des biographies), il donne volontiers des coups de main à ses semblables notamment avec un soutien administratif. « Je ne suis pas tellement manuel, alors j’aide avec ce que je sais faire », explique celui qui maintient ses connaissances dans différents domaines. Et comme il connaît bien du monde, gageons qu’il a du pain sur la planche. 

« Depuis plus de vingt ans, je passe mes vacances et je me ressource en Corse, ma terre de cœur, un magnifique pays qui ressemble beaucoup à notre Jura, avec la mer en moins », raconte celui qui a aussi été bénévole à l’accueil du concert de I Muvrini en 2016, groupe revenu deux ans plus tard à l’initiative d’un privé. 

Son credo ? L’amitié, la loyauté et le respect. Il a horreur d’être confronté à la trahison d’une confiance donnée même s’il avoue ne pas être de nature rancunière. « On apprend toujours de ses erreurs », conclut-il. 

Claude Gigandet